Mercredi 06/10 : Tupiza - Tilcara, 210 kms, 2465 m.
Réveil à 2h45 pour nous rendre à la gare à 3h30. Alfredo, le gardien de l’hotel, tient absolument à nous accompagner. La grille de la gare est fermée et nous attendons, en compagnie de trois anglaises. 2 couples boliviens dorment sur le trottoir. Une partie de foot s’improvise entre Tim, Léa, Marc, et Alfredo tout heureux de retrouver ses jeux d’enfance.
Les portes s’ouvrent enfin, achat des billets, enregistrement des tandems et sacoches. Embarquement dans le dernier wagon du train.
Nous nous installons pour essayer de dormir un peu. 3h00 de voyage pour faire 100 kms, ça grimpe pour gagner l’altiplano. Vers 7h00, un agent allume la TV à fond pour tenter de réveiller ses passagers : c’est gagné ! Puis il se met à balayer l’allée puis à laver le sol, tandis que le contrôleur continue de dormir derrière nous.
L’arrivée à Villazon, ville frontière avec l’Argentine, se fait tranquillement. Nous sommes les derniers à quitter le quai et les policiers nous ouvrent une grille latérale pour passer avec nos chargements.
Quelques courses et petit déjeuner sur la place principale.
Nous mangeons de bons saltenas et nos premières fraises avant de se présenter à la frontière. Il nous faudra plus de trois heures pour passer.
Pendant l’attente au contrôle bolivien, (il y a au moins une centaine de personnes devant nous), nous entamons la conversation avec deux argentins, tout en regardant les allées et venues incessantes sur le pont faisant office de frontière entre les deux villes de Villazon et La Quiaca. Pour des salaires de misère, femmes et enfants boliviens font la navette, chargés comme des baudets, pour transporter des denrées sur leur dos. Cela coûte moins cher que de payer les taxes de frontière pour les camions.
Nous interpellons un policier qui prend nos passeports et nous demande de le suivre. En 5 minutes, les formalités sont faites et nous voici dans une seconde file d’attente pour l’entrée en Argentine. Cette fois-ci, aucun privilège ne nous est accordé et nous attendons notre tour comme chacun.
Une fois les passeports enregistrés, nous nous présentons avec nos tandems. Le douanier contrôle toutes nos sacoches. Finalement, il nous autorise à passer avec nos denrées alimentaires et tube de dentifrice que nous aurions du jeter.
Au revoir la Bolivie et bienvenue en Argentine
Nous quittons la Quiaca sans peso argentin en poche, le seul distributeur étant en panne. Tant pis, les sacoches sont pleines et nous partons. Nous sommes sur l’altiplano andin, à 3600 mètres, et, bonne nouvelle, la route est asphaltée. De chaque côté, des clôtures, qui nous informent que la notion de propriété individuelle est une réalité, même dans le désert. Mais personne dehors. Quelques rares troupeaux de lamas, …et le vent, de côté, qui nous oblige à lutter. Puis miracle de la nature, le vent devient notre allié et nous pousse à vive allure.
Au bout de 40 kms, les enfants sont fatigués, la nuit a été courte et nous cherchons un coin pour la tente. Il nous faut franchir une clôture et s’approcher d’une maison pour demander l’autorisation de nous installer. Le propriétaire nous met en garde contre ses chiens très méchants et nous repartons aussi vite.
Les rafales de vent sont violentes et deviennent glaciales, les tornades de sables nous aveuglent, nous sommes fatigués des courtes nuits précédentes, les clôtures nous indiquent que le camping sauvage n’est pas possible, et, et, et ....
Telle une apparition, les deux argentins rencontrés à la frontière nous dépassent et s’arrêtent à nos côtés. Federico et Dany nous proposent de nous emmener jusqu’à Tilcara, leur prochaine étape, à 160 kms. Federico nous explique que le froid est dangereux, que les gens restent chez eux, qu’il était inquiet pour nous.
D’une main de maître, il charge Fanlabise et Cassbizou, attache toutes nos affaires, et nous embarquons bien serrés dans la voiture.
Les enfants découvrent le GPS, et nous nous sentons soulagés d’être là.
Federico parle anglais et avec les deux langues, nous parvenons à dialoguer et à bien nous comprendre. Nous faisons vite connaissance tandis que la Toyota avale les kilomètres pour quitter l’altiplano.
Nous franchissons le tropique du Capricorne, qui est au programme de géographie du CM1.
Federico est fermier à Tandil, au sud de Buenos Aires. Il dirige un élevage de vaches pour la viande et emploie 5 personnes. Pendant que sa femme Diana est en voyage en Europe, il visite le nord ouest argentin avec Dany, un ami.
Après deux heures de route, nous arrivons à Tilcara. Il nous faut gravir un chemin au bout du village, au pied de la colline pour arriver à l’auberge Malka, qui domine la vallée. C’est un ensemble de maisonnettes, dont l’une nous tend les bras. Nous partageons la chambre avec une italienne et apprécions de pouvoir cuisiner. Federico nous conseille la route à suivre pour notre traversée de l’Argentine, nous offre sa carte routière, et surtout toute sa gentillesse.
Jeudi 07/10 : Repos à Tilcara.
Après une excellente nuit au calme, au chaud, dans des draps bien douillets, nous prenons tous les deux le chemin de la cafétéria pour un petit déjeuner, en compagnie de nos deux nouveaux amis, laissant Léa et Tim profiter d’une grasse matinée.
Federico propose de nous accompagner au village pour divers achats (carte chip pour le téléphone, recharge, argent, courses). Pendant ce temps, nous confions à Léa et Tim la responsabilité d’aller prendre leur petit déjeuner.
La température est douce, les oiseaux chantent, les arbres sont verdoyants, les fleurs odorantes et de belles couleurs.
De retour à l’hôtel, Federico nous conduit à Purmamarca, situé dans la « quebrada de Humahuaca ». C’est un village blotti dans le calme, adossé à une curiosité géologique, la montagne aux 7 couleurs, qui du beige au violet, en passant par le vert, exhibe la richesse minérale de la vallée. Les maisons sont en pisé et les toits en bois de cactus (en mourant au bout de 200 à 300 ans de vie, le cactus durcit comme du bois).
Ce « petit lion » (purmamarca en inca) est un village d’un autre temps, d’un autre monde, avec beaucoup d’artisanat et de belles boutiques.
De retour à l’hôtel, nous disons au revoir à Federico et Dany. Ils doivent rentrer à Tandil pour le lendemain soir et n’ont plus que 1800 kilomètres à faire !
Nous vaquons à nos activités des jours où nous ne roulons pas (lessive, photos, travail scolaire). Mais frustration car internet ne fonctionne pas.
Le soir nous nous régalons d’un excellent beef, accompagné d’une purée et de fraises au sucre.
De vendredi 08/10 à dimanche 10/10 : Tilcara – Salta, 187 kms, 1200 m.
1er jour :
Après un copieux petit déjeuner dans cette chaleureuse cafétéria, nous bondissons sur les ordinateurs, car la connexion fonctionne. A sa plus grande joie, Tim découvre ses messages d’anniversaire, des messages de son école et des deux maîtresses du CE1. Léa lit aussi ceux de sa maîtresse, de sa grande sœur.
Dans la matinée nous partons et quelques kilomètres plus loin, nous croisons deux cyclistes, Huguette et Aldo, originaires du Jura.
Ils sont retraités depuis avril et viennent de commencer un périple en vélo. Par la route 40, ils vont jusqu’à Ushuaia, où ils retrouveront leur fils pour 15 jours de bateau. Echange d’adresses et nous repartons. Le vent se lève, fort, de face et il nous faut lutter.
Après 45 kms,nous arrivons à Volcan qui sera notre village étape. Nous optons pour une belle herbe au-delà du terrain de foot, à 150 mètres de la route. Pas de poussière, seulement des crottes de biques. Deux policiers se présentent, …ils veulent seulement nous prévenir qu’il va pleuvoir et faire froid et que l’herbe risque de s’imbiber d’eau. Nous décidons malgré tout de rester.
2ème jour :
La nuit a été bonne, sans pluie et sans froid, mais avec la visite d’un chien et au son de l’usine d’à côté. Le temps est gris.
La route passe au fond d’une large vallée, les premiers troupeaux de vaches apparaissent. Une grande descente en lacets nous procure du plaisir.
Les arbres deviennent de plus en plus nombreux, la forêt apparaît sur les flancs des montagnes dominant le rio. Nous dégustons d’excellents empanadas à Yala avant de poursuivre et gagner San Salvador de Jujuy, que nous contournons.
Tous les signes d’un retour à la civilisation telle que nous la connaissons sont là. Belles maisons, nombreuses voitures (et des françaises svp) grands magasins aux enseignes connues, bus urbains avec de vraies stations de bus, des poubelles. Mais aussi des argentins qui font du sport (vélo, jogging…), du tourisme.
Nous sommes très encouragés par les argentins, qui nous saluent, nous photographient, nous proposent de l’aide, nous conseillent sur le meilleur itinéraire.
Nous poursuivons jusqu’à El Carmen, cela fait 70 kms et franchissons le portail donnant sur le terrain d’une école. Le gardien nous autorise à planter la tente, utiliser les sanitaires et prendre de l’eau. Il nous propose même de l’eau chaude pour le maté. Nous sommes bien installés, en sécurité. Les enfants font leur travail scolaire et nous passons une bonne nuit.
3ème jour :
Le rangement du camp se fait dans la bonne humeur, accompagnés par le chant des oiseaux. Il fait doux, et beau, un petit air agréable nous chatouille les oreilles pendant le petit déjeuner et c’est tous les 4 bien en forme que nous reprenons la route.
Bientôt, nous arrivons à la route de « la Cornisa ». 4 mètres de large, un bon asphalte, bordée d’arbres, et de petits lacs, un léger dénivelé, une vraie voie verte.
Que du bonheur.
Arrivés au col, point de jonction des provinces de Jujuy et de Salta, nous rencontrons des cyclistes argentins.
Et pour Léa et Tim, c’est la rencontre avec Poli.
Un papillon venu se poser sur Tim qui l’a de suite adopté et baptisé. Puis ils ne se sont plus quittés. Tim et Léa ont installé Poli dans une bouteille vide, pleine de trous et nous sommes repartis.
Plus loin nous nous arrêtons près d’un lac pour le pique nique, au milieu des vaches et chevaux, sur une herbe verte souple et douce.
Poli est toujours là, bien décidé à nous suivre et on repart. C’est la descente, en pente douce jusqu’à la périphérie de Salta.
Nous entamons alors un vrai parcours d’obstacles pour trouver un coin pour dormir et suivons les conseils de la commerçante, de l’habitante, puis ceux du gardien de l’université, du gérant d’un hôtel. Nous sommes déjà trop avancés dans l’agglomération et décidons d’aller au camping de Salta. Nous empruntons la piste cyclable (la première rencontrée en Amérique du sud) pour gagner la ville.
C’est alors qu’un jeune sur son scooter nous interpelle « hola los ciclistas ».
Claudio est tout content de nous voir et nous explique qu’il a une maison pour les cyclistes et, confiants, nous le suivons. Il nous amène là où il vit avec sa femme Paola et leur petite fille de 13 mois Naomie. Ils vivent chez les parents de Paola, Noémie et Ricardo. Une sœur de Paola, Mélissa vit aussi là avec ses trois enfants, Mikaela, 13 ans, Gonzalo, 9 ans et Cande, 4 ans.
A l’heure où nous arrivons, la maison est comme vide. Paola et la petite font la sieste et le reste de la famille est parti en week-end.
Claudio obtient l’accord de Noémie et Ricardo pour nous loger.
De lundi 11/10 à vendredi 15/10 : Séjour à Salta.
1er jour :
Lundi est jour férié. Chacun se réveille de sa grasse matinée et nous faisons connaissance les uns après les autres. Ils nous proposent de partager leur repas si l’on complète : c’est jour de barbecue. Ricardo va faire griller divers morceaux de viande, les femmes font des salades. L’affaire est conclue.
Nous nous retrouvons attablés au milieu d’une grande famille, qui nous fait une place avec beaucoup de simplicité. Le repas est suivi de la sacro sainte sieste. C’est le rythme espagnol : déjeuner à 14h00, collation vers 18h00, dîner vers 22h00. Nous nous mettons au travail de nos photos et nous rendons dans un cybercafé, car c’est bien là le seul défaut de la famille : ils n’ont pas internet.
2ème jour :
Mardi, chacun repart au travail et à l’école.
Ricardo est policier municipal, Noémie travaille dans un service social. Ils travaillent jusque vers 14h00. Mélissa est gardienne à la prison de Salta.
Claudio tient un magasin de réparation de vélos. Paola est étudiante, en cours du soir et s’occupe de sa fille en journée.
Mikaela est au collège. Elle part tôt le matin et rentre vers 13h00, puis elle repart à 16h00 pour aller à un cours d’anglais. Gonzalo va à l’école de 13h00 à 18h00, toute l’année.
Tous rentrent manger le midi. Une jeune femme, Silvana, vient travailler à la maison tous les jours de 8h à 15h. Elle fait tout, la vaisselle, le ménage, le linge, et aide à la préparation du repas que se répartissent les deux filles, Paola et Mélissa.
Nous découvrons une organisation familiale bien rodée, où chacun a ses tâches et ses responsabilités, à tour de rôle.
Ce jour là nous partons visiter Salta, en passant par le magasin de Claudio car la poignée du ralentisseur de Cassbizou est cassée. Claudio va nous en trouver une autre.
Située à 1200 mètres au pied du cerro San Bernardo, Salta est la plus grande ville du Nord-Ouest argentin, et la plus jolie. On la surnomme « Salta la linda ».
Fondée en 1582 par les Espagnols, halte importante des marchands sur la traditionnelle route commerciale vers la Bolivie et le Pérou, la cité a prospéré aux XVIIIème et XIXème siècles. Salta a bien conservé son architecture d’époque, de magnifiques bâtiments coloniaux,
des maisons seigneuriales, balcons en bois, porches et grilles surchargés, patios intérieurs décorés autour d’une source. Salta a un caractère provincial agréable. Léa dit « ça ressemble un peu à Chambéry, un peu à Grenoble un peu à Paris ».
Nous déambulons sur la place principale, avec ses palmiers et palétuviers, dans les rues piétonnes, le parc San Martin, visitons le petit musée de sciences naturelles.
Pour son anniversaire, Tim choisit un robot à construire et …un tour de barque sur le petit plan d’eau du parc San Martin. Qu’il est moins aisé de ramer, nous qui sommes si affûtés à pédaler !!!
3ème jour,
Léa se réveille malade et vomit plusieurs fois, fièvre. Repos, repos, repos et pour nous photos, article pour le blogue.
4ème jour,
Léa commence à tousser mais n’a plus de fièvre.
Nous sortons en ville visiter le musée archéologique de la haute montagne et rencontrer la momie de « la nina del Rayo ».
Cette histoire est impressionnante et captivante. En mars 1999, sur les flancs du volcan Llullaillaco qui, avec ses 6739 mètres, est un des plus hauts sommets argentins, une expédition vit une des découvertes les plus importantes dans le monde de l’archéologie de haute montagne : les momies de trois enfants, appartenants à la culture inca, entourées de toutes sortes d’objets (les offrandes) et parfaitement conservées par le froid et l’absence d’air puisqu’elles étaient enterrées.
Le musée présente l’équipement des savants andinistes, la paille sur laquelle reposait une des momies, les tissus, les objets miniatures qui les accompagnaient, statuettes en or, figures anthropomorphiques, vaisselle en céramique, sandales etc…et une momie présentée dans une cage de verre, dans laquelle il fait -20 degrés.
Nous sommes impressionnés et émus. La « nina del Rayo » est une fillette d’un peu plus de 6 ans, en position assise, avec les jambes fléchies et la tête légèrement penchée sur le côté gauche, et elle a l’apparence d’une morte, alors qu’elle a plus de 500 ans.
Tous les mois, ils changent la momie en exposition. Nous pouvons aussi voir le laboratoire avec les trois congélateurs !!!! Les deux autres sont une fille de 15 ans et un garçon de 6 ans.
Léa a posé la question cruciale « mais comment ils sont morts ? ».
Après ce choc, nous allons visiter la cathédrale, au moment d’une messe. Les chants sont magnifiques et nous ramènent un peu de sérénité.
Déambulations nocturnes dans Salta by night, avec un petit sandwich par ci, une glace et une barbe à papa par là. Nous achetons des cadeaux pour toute la famille et rentrons partager notre repas, tout en regardant le DVD d’un concert unique « La fiesta » donné à Buenos Aires lors d’un festival : Chaqueno Palavecino et Soledad Pastoruti. Deux voix magnifiques. Nous avons eu un vrai coup de cœur pour Soledad Pastoruti, jeune femme de toute beauté avec une voix grave magnifique.
5ème jour,
Gros travail pour le blogue, travail scolaire des enfants.
Tandis que Paola, Mélissa, Silvana, et Tim et Léa confectionnent des empanadas, nous préparons une ratatouille. On dresse la table avec les nouvelles nappes que nous avons offertes. Le partage du repas est un excellent moment.
Après la sieste, Noémie s’installe pour nous confectionner des drapeaux français avec les tissus achetés la veille, pendant que nous partons en ville tenter de trouver des petits drapeaux argentins.
A cette occasion, alors que nous garons nos deux tandems sur la place, arrivent Claire et Jean-Louis, nos amis cyclistes belges, arrivés ce jour à Salta. Quelle joie de les revoir ! Ils poursuivent demain dans la même direction que nous et nous décidons de nous retrouver en cours de route.
De retour « à la maison », nous découvrons les drapeaux confectionnés par Noémie, deux pour nous et un pour eux que nous signons. Nous partageons notre dernier repas et couchons les enfants. Il est déjà minuit passé lorsque nous partons au cybercafé mettre en ligne un article pour le blogue. Il nous faudra plus de trois heures, puis consulter nos emails… Il est 4h du mat’ j’ai des frissons… lorsque nous rentrons nous coucher.
Demain, nous reprenons la route pour Cafayate et la nuit va être courte… c’est comme ça.